Jéricho, l’école et la vie des chrétiens : des nouvelles du Bon Pasteur

Giacomo Pizzi7 mai 2012

Nous rapportons ci-après les paroles de Père Ibrahim, curé de la paroisse du Bon Pasteur et directeur de la Terra Santa School de Jéricho, qui décrit la situation de la petite ville palestinienne dans laquelle il sert.

– Depuis combien de temps vous trouvez-vous à Jéricho ? Où étiez-vous avant ?

Je réside à Jéricho depuis un an et demi. J’ai fait deux missions avant de venir ici : la première en Jordanie et la deuxième au Liban.

– Combien y a-t-il de chrétiens parmi les habitants de la « ville des palmiers » ? Et parmi eux, combien sont catholiques ?

Ici à Jéricho, la communauté chrétienne représente environ 1% de la population. Nous sommes 370 sur une population de 37 000 habitants. Les chrétiens appartiennent à deux rites principaux : le rite latin (54 familles) et le rite orthodoxe (30 familles). Nous comptons aussi une présence minime de syro-orthodoxes (3 familles).

– Près de la paroisse du Bon Pasteur se trouve un très grand bâtiment scolaire. Combien d’enfants fréquentent cette école ? Sont-ils tous chrétiens ? Quel type d’enseignement reçoivent-ils ?

En 1925, quand les Frères se sont établis à Jéricho, ils se sont demandé comment pouvoir être “lumière du monde” et “sel de la terre” en cette ville. Ils ont trouvé une carence dans le secteur de l’éducation. Ils ont donc loué un petit bâtiment près de l’église et ont ouvert une école avec 100 élèves : c’est ainsi qu’est née l’école de Terre Sainte à Jéricho. Aujourd’hui, plus de soixante ans plus tard, il sont 470 élèves. Parmi eux se trouvent 6,2% de chrétiens et 93,8% de musulmans. L’école suit le programme éducatif palestinien en langue arabe. Et face aux autres écoles publiques et privées, elle offre le niveau le plus élevé en sciences, en formation humaine et spirituelle.

– Quelles sont les autres institutions scolaires sur le territoire ?

Il y a aujourd’hui 22 écoles publiques à Jéricho, et quelques écoles privées. Notre école, ainsi que celle des sœurs franciscaines CIM, sont les deux seules chrétiennes.

– Quel type d’aides reçoit cette école ? Et quels sont les frais ?

L’autorité palestinienne ne contribue pas sur le plan économique. D’autre part, au vu de la situation économique dans laquelle se trouve la population, nous ne pouvons demander aux familles plus que le minimum pour les frais scolaires de leurs enfants. Ce que nous prenons couvre seulement 25% des salaires des professeurs, des dépenses pour les activités et la maintenance.

En général, les congrégations religieuses jouissent des frais scolaires pour le maintien des divers couvents, alors que dans le cas de la Custodie de Terre Sainte, elle doit couvrir le “déficit” avec un montant fixe chaque mois. Le reste vient de ce qu’offrent les pélerins à la collecte quand ils célèbrent la messe en notre église, ou quand certains d’entre eux deviennent bienfaiteurs.

– Combien de frères vivent dans ce couvent ? Quelle est leur mission dans la Paroisse du Bon Pasteur ?

Nous sommes une petite communauté de deux frères. Je suis le seul sacerdote. Je sers en tant que prêtre, en tant que supérieur du couvent et en tant que directeur de l’école, alors que l’autre frère est préposé à l’église et au couvent.

– Racontez-nous plutôt le service que vous exécutez en tant que curé et en tant que franciscain, auprès de la population de Jéricho…

Le service à la population de Jéricho :

Par nature, le chrétien ne peut pas penser seulement à son bien ou au bien de “ses gens”, j’entends par là les chrétiens. L’amour du Christ le pousse toujours plus hors de lui pour penser au “bien commun” du peuple entier au milieu duquel il vit. Ainsi, grâce à la bonne relation entre le curé précédent et un autre curé italien, la Commission des Maires italiens tout entière s’est démenée pour contribuer à la construction d’un centre pour handicapés, unique à Jéricho. De la même façon, la bibliothèque publique de Jéricho (la seule) a été construite avec des initiatives franciscaines. L’ouverture de l’école, comme je l’ai déjà dit auparavant, a aussi été faite dans l’esprit franciscain, pour le bien du peuple entier.

Et c’est dans ce même esprit qu’en tant que curé de Jéricho et en collaboration complète avec le maire, je présente Jéricho et ses besoins à différents représentants politiques ou civils de différents pays et je cherche à encourager toutes les initiatives, afin de couvrir les besoins de la population locale. Il ne faut pas oublier non plus les nombreuses aides qui sont offertes de façon personnelle aux miséreux. De plus, grâce à l’école, nous offrons d’une part un immense service pour l’éducation des gens, et d’une autre part, des postes de travail à différents professeurs et employés.

Le service aux Chrétiens :

Quant au service pour les chrétiens, nous partons de l’assistance matérielle qui est fondamentale pour leur existence. Mais tout dépend de ce que nous envoie la Providence. Nous devrions penser pratiquement à tout, de la maintenance des maisons en situation précaire jusqu’à l’aide pour les frais mensuels des familles les plus miséreuses et avec beaucoup d’enfants, de la couverture des frais de scolarité à l’assistance aux personnes âgées – qui sont pour la plus grande partie sans assurance médicale et sans retraite -, des bourses d’études universitaires  à l’aide pour les jeunes couples de mariés.

– Quelle relation entretenez-vous avec les autres églises ? Et avec les musulmans ? Vous rencontrez-vous pour essayer de résoudre les problèmes de la population ?

A Jéricho, nous avons une paroisse orthodoxe comptant une trentaine de familles (102 personnes). Le curé orthodoxe est d’orgine grecque et ne parle pas bien l’arabe. Il y a donc toujours une difficulté de communication. Nous avons aussi quelques familles syro-orthodoxes et nous avons des rapports excellents avec leur évêque.

Il y a un œcuménisme vécu dans la vie pratique quotidienne : on parle de service pratique à tous les chrétiens plus que d’une collaboration entre curés. On rend service aux gens pour toutes leurs nécessités sans faire attention aux rites. Par exemple, les enfants viennent tous à notre catéchisme, et c’est pareil pour le groupe de scouts, le catéchisme pour les adultes est offert à tous et il en est de même pour les fêtes et les excursions annuelles que nous organisons. Les frais de scolarité sont couverts aussi bien pour les orthodoxes que pour les latins. Tout cela car “Le Bon Pasteur de l’Eglise latine pense non seulement aux latins mais à tous les chrétiens”.

Au niveau de la collaboration avec les leaders musulmans, le gouvernement fixe des rencontres pour trouver ensemble le chemin à suivre vers le bien commun. Dans la majorité des maisons règne une atmosphère de respect mutuel. De notre côté, le service que nous donnons déjà grâce à l’école est une œuvre de grande importance. Nous le faisons avec beaucoup de sacrifices mais avec une grande joie. Voici notre contribution, qui n’est pas des moindres, pour la population de Jéricho.

– Comment vous voit le reste de la population non chrétienne ? Célèbrent-ils les fêtes avec vous, y a-t-il une bonne ambiance de voisinage ?

Pendant les fêtes chrétiennes et musulmanes, et aussi lors des fêtes nationales, nous échangeons les vœux en présence de toutes les autorités civiles et militaires du pays.

Au niveau de la population, l’ambiance de Jéricho est spéciale et unique. Par exemple, pour les condoléances en cas d’enterrement, tous se joignent pour donner leurs condoléances.

On observe toutefois un fondamentalisme musulman croissant dans certains quartiers, à cause du conflit israélo-palestinien. L’amertume dans le cœur des musulmans, lorsqu’elle est accompagnée d’un peu d’ignorance, devient aveugle et dangereuse également pour les arabes chrétiens qui partagent les mêmes souffrances.

– Quelle importance tient le fait que Jéricho soit une ville évangélique ?

Jéricho, une des villes les plus vieilles du monde, est une ville évangélique. L’archéologie et la culture, les chants et également les noms des quartiers de Jéricho (le Sycomore, Zachée) sont le témoignage du rapport vivant entre la Bible et la ville de Jéricho. Mais le témoignage le plus fort et le plus grand est la présence des chrétiens, qui sont les pierres vivantes. Leur présence est un témoignage vivant que Jésus est passé ici et a laissé non seulement de nombreux souvenirs et traces mais aussi de nombreux disciples. Du reste, la vie même des chrétiens et leur témoignage est une confirmation qu’Il est ressuscité, d’un côté, et que Zachée n’a pas été le seul à expérimenter la guérison spirituelle tout comme l’aveugle n’a pas été le seul à expérimenter la guérison matérielle.

Pour en savoir plus sur le projet poursuivi à Jéricho grâce au soutien de l’ATS pro Terra Sancta, cliquez ici.