L’intervention du Custode de Terre Sainte au Meeting de Rimini

Giacomo Pizzi25 août 2011

L’intervention du Père Custode au Meeting de Rimini, à l’occasion de la présentation de l’exposition sur Jésus à Capharnaüm « Avec les yeux des Apôtres – Une présence qui bouleverse la vie ».

Le Custode de Terre Sainte, Frère Pierbattista Pizzaballa, est intervenu au Meeting de Rimini afin de présenter l’exposition sur Jésus à Capharnaüm « Avec les yeux des Apôtres – Une présence qui bouleverse la vie », réalisée sous le patronage de la Custodie de Terre Sainte avec la collaboration d’ATS Pro Terra Sancta. Une intervention profonde en ce qui concerne l’interprétation biblique et évangélique, enrichie d’expériences personnelles, une réflexion qui a touché des thèmes fondamentaux tels que l’aspect concret du message chrétien expérimenté dans les Lieux mêmes où Jésus a vécu et agit, la valeur et la signification de la présence franciscaine en Terre Sainte, les difficultés et la beauté du dialogue interreligieux filtrées au travers de l’expérience personnelle du Père Pizzaballa au cours des années d’étude à l’Université juive de Jérusalem.

Nous publions ci-dessous un certain nombre de passages significatifs de cette intervention.

 C’est cela, je crois, vivre la vie et la foi « avec les yeux des Apôtres » :  (…) ici et maintenant, dans le petit fragment de nos biographies et de nos géographies, nous pouvons voir et rencontrer « une immense certitude » parce qu’elle a déjà habité « en ce temps-là » et « dans cette région ».

 Aujourd’hui encore, à Capharnaüm, on voit les routes que Jésus a parcourues, le seuil de la maison de Saint Pierre. Nous pouvons comprendre comment se déroulait la vie des habitants de l’époque. Nous voyons les cuisines avec les fours, les dallages, les escaliers. Nous pouvons comprendre comment étaient faits les toits de paille. Parmi ces maisons se trouve également celle de Jésus. Nous la voyons et quelques privilégiés peuvent également la toucher, là, sur la rive de la Mer de Galilée. Ces habitants n’avaient pas fait une expérience émotive ou théorique. Jésus était là, au milieu d’eux, dans leurs maisons mêmes. Les signes qui ont bouleversé leur vie étaient intervenus là, à l’intérieur de leur contexte de vie réel et ordinaire, en le transformant.

 Alors Capharnaüm nous dit que la vie réelle de l’homme demeure la véritable Terre Sainte de la rencontre avec Dieu. On rencontre Dieu en vivant la vie avec Son style qui est celui de la relation, de la rencontre ouverte à Lui. Il existe de nouveau un lieu de rencontre entre Lui et nous et ce lieu est la réalité simple, telle qu’elle est. La vie vécue avec et pour les autres est le seul lieu de rencontre avec Lui. 

Et quand je dis vie, je ne parle pas de quelque chose d’abstrait, d’idyllique, de propre. Non je parle bien de vie et même ceux qui connaissent seulement un peu leur propre cœur, savent combien il est marqué par l’ambiguïté, par le péché. Et bien, c’est justement cette vie et cette terre qui sont le lieu de la rencontre avec Lui. Il n’est d’expérience de Dieu qui ne passe par le drame, douloureux et très beau, de la vie de chacun. Ici, dans nos rencontres, entre nos maisons intervient le salut. C’est ce qu’ont vu et contemplé les yeux des Apôtres.

 Etant en Terre Sainte, je me suis progressivement convaincu de cela. Non pas parce que l’ai compris en l’étudiant dans des livres mais parce qu’il m’a été donné de le vivre. En cela la Terre Sainte est un lieu formidable. Garder les Lieux n’est pas une simple œuvre d’archéologie. Demeurer en Terre Sainte en tant que Franciscain et garder la mémoire des Lieux nous oblige surtout à conserver le témoignage et l’expérience à laquelle les Lieux font référence. Le Lieu de la rencontre qui arrive jusqu’à se faire pardon doit devenir témoignage de rencontre et de pardon. Si Jésus a habité une terre en donnant une épaisseur de vérité et de divinité à l’humanité concrète, il est possible d’habiter la Terre avec et comme Lui. S’il existe une Terre Sainte cela veut dire qu’il existe une manière sainte d’habiter la Terre. Pour le dire avec Rahner : si le Verbe s’est fait homme, tout homme peut en puissance être le Verbe !

 Capharnaüm dit donc que sur cette terre parmi les hommes, la rencontre avec Dieu est encore possible.

 Pour nous donc, demeurer en Terre Sainte ne devrait être que cela : faire ce que Jésus Lui-même a fait, à savoir habiter avec vitalité ce monde fracturé, être le prolongement de Sa vie hospitalière et donnée.

Comment y sommes-nous ? D’une manière très simple, en cherchant simplement à vivre l’Evangile. La mission en effet n’est pas d’abord et avant tout faire quelque chose mais vivre l’Evangile dans le lieu et les conditions dans lesquelles tu te trouves de fois en fois.

 Vivre l’Evangile en Terre Sainte où souvent se rencontrer devient compliqué, où le passé (et le présent) de violence a marqué la mise de communautés entières, qu’elles soient sociales ou religieuses jusqu’à devenir l’unique critère de lecture des relations actuelles est alors, pour un franciscain, essayer d’interrompre ce cercle vicieux de violence et la peur en rendant témoignage au salut.

 Les pages de l’Evangile de Capharnaüm nous parlent d’un salut très concret, et d’un Dieu qui vient habiter exactement l’espace de notre quotidien, ce qui fait que ce quotidien, comme il est, devient la voie de notre rencontre avec Lui. Il ne faut rien s’inventer.

 Comment est-ce que je rencontre le Christ aujourd’hui ? Je ne suis pas toujours prêt à la rencontre. Mais je sais quelles sont mes certitudes : la Parole, la prière, le Lieu et les personnes. Ensemble. Le rapport avec le Lieu rappelle continuellement l’Evénement duquel nous parlent les Ecritures, en faisant une mémoire proche, concrète. Le rapport avec les personnes t’oblige à certifier la vérité de ton expérience. Les relations en Terre Sainte sont terriblement blessées. Mais c’est en demeurant là, à l’intérieur de ces relations, que tu trouves la provocation quotidienne au rapport avec le Christ et tout alors devient concret, difficile et pourtant nécessaire : le pardon, la gratuité, la liberté, la charité, la modération, la patience, l’accueil… deviennent une nécessité. Refuser ces attitudes serait Le refuser.

 En conclusion, en tant que Franciscains de Terre Sainte, nous faisons plus ou moins ce que font tous les autres : nous prions, nous étudions, nous enseignons, nous faisons des fouilles, nous gardons les Lieux, nous accueillons les gens, nous construisons des maisons, nous travaillons, nous faisons des affaires, nous vendons et nous achetons… Mais le sens de ce que nous faisons ne se trouve pas dans ce que nous faisons mais dans la possibilité qui en dérive d’aimer la vie de l’homme en sachant que toute vie est la possibilité de la Présence de Dieu. C’est le sacrement d’une rencontre. La fin n’est par le produit mais la relation, la rencontre : c’est l’Evangile de la présence, le faire de demeurer là, d’être là.

 Nous avons seulement cette certitude : que le Seigneur continue à cheminer dans l’histoire de l’homme, qui demeure une histoire difficile mais habitée et pardonnée. Donc précieuse.

Nous sommes là avec le goût de ceux qui veulent porter en tout ce qu’il fait la nouveauté unique de notre foi, qui est le salut, et un salut personnel, qui touche tout homme en particulier. Nous sommes là donc en tenant la porte ouverte, comme l’était la maison de Saint Pierre qui a accueilli le Seigneur Jésus.