La piscine de Bethesda et l’église Sainte Anne : suivre les traces de Jésus et Marie

Giacomo Pizzi1 octobre 2021

A la fin de la Via Dolorosa, à quelques pas de la Porte des Lions, il y a une petite porte en bois qui s’ouvre sur un jardin luxuriant, avec de grands arbres et des chapiteaux antiques éparpillés autour en guise de décoration. 

Père Pol, missionnaire en Afrique pendant de nombreuses années, vit et veille sur le complexe de Sainte Anne, une grande église d’époque croisée avec un séminaire et un site archéologique parmi les plus importants de Jérusalem : les piscines de Bethesda.

Pol, originaire de Belgique, fait partie des Pères Blancs, un ordre missionnaire fondé par le Cardinal français Lavigerie à Alger, caractérisé par l’emploi d’une typique tunique blanche et par une mission très spécifique : évangéliser les peuples de l’Afrique du Nord.

L’église et le site sont gérés par eux, mais une fois par an, à l’occasion de la nativité de Marie, les franciscains y célèbrent la messe en suivant la liturgie en français. L’acoustique de l’église est extraordinaire, nous pouvons vous l’assurer, et l’expérience est certainement à faire.

Rendre la Bible tangible

Mais les chants solennels sont déjà un souvenir : père Pol, armé d’un bâton et d’un chapeau large, un vieil mais guilleret explorateur, nous amène vers le dépôt du musée qui abrite les vestiges retrouvées lors des fouilles archéologiques. 

Beaucoup d’ossuaires en pierre ornés de tailleurs de pierre, deux sarcophages byzantins en plomb décorés avec des croix, ex voto représentant des parties anatomiques : avec un seul regard on peut lire toute l’histoire du lieu saint.

« Le but de toutes nos recherches en ce lieu n’est qu’un : rendre la Bible tangible », explique père Pol alors qu’il allume une vieille lampe de bureau et commence à feuilleter un article pris des quatre grandes piles de volumes qu’il nous a préparées en tant que bibliographie. 

Nous vous épargnons les noms, les dates de publication et les notes scientifiques. Disons simplement que, depuis le début des recherches en 1865, avec les travaux de restauration et les fouilles archéologiques dirigées par Monsieur C. Mauss, jusqu’à 2002, beaucoup a été dit et publié, surtout à propos des piscines de Bethesda.

Une ou deux piscines ?

Piscines. On parle au pluriel et ce n’est pas une erreur. La vallée où se dresse le complexe de Sainte Anne est depuis des temps immémoriaux utilisée pour recueillir les eaux de pluie, si bien qu’elle est identifiée comme le site de la « piscine probatique » décrite dans l’Ancien Testament. « Probatique parce qu’elle était utilisée pour laver les agneaux qui passaient par la Porte des Brebis près d’ici et qui étaient destinés à être sacrifiés au Temple », explique père Pol. « Probates » signifie « moutons » en grec.

L’évangéliste Jean rapporte que, à certains moments, un ange descendait dans la piscine et agitait l’eau. Juste après, le premier qui s’y mouillait était guéri de tout mal. Bethesda signifie en effet « maison de la Miséricorde » et c’est bien miséricorde et guérison que les invalides qui se pressaient ici, chez les deux piscines, cherchaient.

Il n’est pas facile de comprendre laquelle des deux était la piscine probatique et laquelle était celle de Bethesda ou si elles étaient distinctes entre elles, mais une chose est sûre : les deux piscines, monumentalisées à l’époque d’Hérode le Grand (1er siècle av. J.-C.), ont été construites en même temps, les archéologues le confirment.

De piscine à temple païen

La piscine au nord était utilisée pour la collecte et la décantation de l’eau. La piscine au sud, caractérisée par trois escaliers, presque semblable à un mikveh, c’est-à-dire un bain rituel juif, était destinée aux pèlerins qui voulaient se plonger, se purifier et être guéris. 

Les deux bassins sont séparés par un grand barrage avec des rigoles. Ceux-ci étaient de temps en temps ouverts et injectaient de l’eau pure dans la piscine destinée aux bains rituels. Cette caractéristique pourrait expliquer pourquoi Jean parle de « agitation » de l’eau.

Les Romains considéraient eux aussi le site miraculeux et, à la suite de la refondation de Jérusalem comme Aelia Capitolina par Hadrien, un temple dédié à Sérapis, ou Asclépios, la divinité païenne de la guérison, y fut édifié. 

Dans le temple, situé au-dessous de la basilique byzantine, une colonne décorée d’un serpent (le symbole d’Asclépios, que nous retrouvons aujourd’hui dans la pharmacie) et de nombreux ex-voto ont été retrouvés. Le plus beau d’entre eux est peut-être un pied droit avec une dédicace en grec : les pèlerins venaient de loin pour guérir.

La basilique byzantine

Pendant l’époque chrétienne, au-dessus des piscines, une basilique, avec un grand atrium en mosaïque suspendu au-dessus des eaux grâce à quatre piliers, a été construite. « Pour l’époque, ce devait être un projet architectural sensationnel ! », dit enthousiaste notre guide indiquant les pièces de mosaïque qu’on peut voir encore.

Finement décoré également le Martyrion situé au nord de la basilique, destiné à conserver les reliques les plus précieuses. Une reproduction fidèle du pavage coloré a été faite par le Mosaic Centre de Jéricho et fait maintenant partie de la nouvelle salle de prière située derrière l’église. 

C’est pendant le VIe siècle apr. J.-C., que naît la tradition, soutenue par le Protévangile de Jacques, daté du II siècle apr. J.-C., selon laquelle la maison d’Anne et de Joachim se trouvait ici, à peu de distance des piscines.

Où se trouve la réelle piscine de Bethesda ?

Peu après, en 614 avec l’invasion persane, la basilique qui rappelle le miracle fait par Jésus et les origines de Marie est gravement endommagée. 

Une seule nef est reconstruite et, dans la période suivante, la grande basilique est transformée par les croisés en un monastère avec une crypte et deux citernes couvertes d’une voûte avec 5 arcs pour rappeler Jean : « Il y a à Jérusalem, près de la Porte des Brebis, une piscine, appelée en hébreu Betzaetà, avec cinq portiques ».

« Les catholiques grecs orthodoxes n’ont aucun doute », commence Pol en allant vers les citernes avec une lampe de poche, « et quand ils veulent voir la piscine de Bethesda ils viennent directement ici ». Il y a encore de l’eau là-dessous et la lampe de poche ne suffit pas à voir le fond de la citerne, 35 mètres plus loin.

L’église de Sainte Anne

Il est temps de remonter et de visiter l’église romaine construite au-dessus de la maison d’Anne et Joachim, identifiée dans la crypte sous l’abside à laquelle les fidèles pouvaient accéder avec une échelle même pendant le règne de Saladin, période pendant laquelle l’église servait de madrasa, école de droit coranique.

Sur la façade, de goût oriental, on peut encore lire la dédicace en arabe. De ce bâtiment sont passés des personnages féminins illustres, outre Anne et Marie : Arda, la princesse arménienne épouse de Baudouin, y a fondé une petite église et Melisandre, fille de Baudouin et reine de Jérusalem, y en a fait un couvent pour religieuses. 

Petite curiosité : ces religieuses étaient propriétaires de quelques magasins dans la ville et encore aujourd’hui, en plissant les yeux, on peut voir quelques clés de voûte gravées avec « Sainte Anne ». 

L’endroit austère mais majestueux de l’église nous rappelle bien son passé glorieux, son avoir été un lieu de guérison, un endroit où s’est produit un vrai miracle qui est lié aussi bien à Jésus qu’à Marie.
Un salut rapide à notre guide d’exception et nous sommes de nouveau catapultés parmi les tuk tuk qui parcourent la Via Dolorosa, ici dans la Ville Sainte où il est impossible de ne pas suivre les pas du Christ, où chaque pierre raconte une histoire de Foi. Il suffit de regarder. Et d’écouter.