Un mois à Bethléem, pour vivre avec les petits de la Terre Sainte

Giacomo Pizzi25 septembre 2012

Cristina, un peu plus de vingt ans, a passé un mois avec les petits de Bethléem, à aider les sœurs de l’école maternelle de la Société Antonienne et celles de l’Hogar, qui gèrent une maison pour bébés handicapés ; ces mêmes bébés que ATS pro Terra Sancta aide dans le cadre du projet « Bethléem – Une aide pour les plus petits« . Une fois rentrée chez elle, repensant à l’expérience vécue, Cristina nous raconte :

« Je voulais vivre un peu à Bethléem, pour chercher à comprendre quelque chose de plus sur la situation israélo-palestinienne, après avoir lu des articles, des livres, je voulais essayer de voir un peu par moi-même, de m’y immerger un peu, d’y vivre, explorer. Et il me semblait que chercher, par la même occasion, à me rendre utile – pour ce qui peut se faire en si peu de temps, où à peine tu t’insères et c’est déjà le moment de repartir – pourrait donner de la valeur à ce voyage, m’aider à échanger avec les gens, à rester avec eux. Voilà, c’est pour ça que j’avais écrit à Sœur Lucia de la Caritas BabyHospital, qui m’a ensuite adressée à ATS pro Terra Sancta.
Je tenais beaucoup à faire cette expérience, j’avais rêvassé un peu sur ce que ça serait, mais sans bien savoir à quoi m’attendre… Et une fois arrivée à Bethléem, au début, ça a été toute une découverte, un étonnement et une indignation de la captivité des familles divisées par le mur, du contrôle israélien sur l’eau, des colonies… mais aussi de toutes les contradictions internes à la société palestinienne. De manière trop simpliste et rapide, en Italie, on sépare palestiniens et israéliens en bons et mauvais, ou le contraire. Je me suis rendue compte qu’il est difficile et même erroné d’essayer de juger, alors que je vis à un endroit où tout va bien et où j’ai tout ce dont j’ai besoin, et beaucoup plus encore que ce dont j’ai besoin, même si bien sûr, il y a beaucoup de problèmes, mais d’une autre dimension.
Le travail à l’école maternelle gérée par les sœurs de la Société Antonienne m’a beaucoup plu, j’aidais très simplement : je jouais avec les enfants, je leur donnais à manger et je les changeais. Les maîtresses étaient vraiment gentilles, parce qu’elles me voyaient toute petite peut-être, elles prenaient vraiment soin de moi. Les deux plus jeunes parlaient seulement arabe et même ça, c’était beau : nous avons réussi à communiquer, moi, avec mes connaissances encore petites en arabe classique, et quelques gestes par-ci par-là. C’était bien, ça m’a permis de comprendre comment ils vivent, les difficultés, les différences. D’une façon générale, à la Société Antonienne [où Cristina logeait aussi] je me suis vite sentie chez moi : les sœurs m’avaient à cœur, et je me suis vite prise d’affection.

Et ensuite, l’expérience à l’Hogar, où les sœurs du Verbe Incarné s’occupaient des bébés handicapés. Pour moi, ça a été l’expérience qui m’a le plus fatiguée, et qui, notamment au début, m’a le plus mise en difficulté. Mais c’est aussi celle, maintenant que je suis rentrée chez moi, qui me reste le plus au cœur et dont je veux rester proche. Je suis arrivée là, et il y avait toujours plein de choses à faire, les enfants agités, les sœurs toujours occupées et moi, au début, je ne savais pas où mettre les mains, je ne savais pas de quoi avaient besoin les différents enfants, comment je devais être avec eux, comment je pouvais leur être une aide. Je n’avais jamais passé de temps en présence de handicaps aussi graves, et ça me faisait vraiment mal, ça me rendait triste et ça me faisait sentir impuissante de les voir si jeunes et si prisonniers de leur maladie, certains abandonnés par leurs parents, certains qui « devenaient fous » pour un rien, mais qui ensuite souriaient et redevenaient bien par un bisou des sœurs ou par un autre geste anodin ; de voir les filles plus âgées et penser, ayant vécu toute une vie ensemble, qui sait combien d’expériences, mais aussi de souffrances elles portent en elles… J’ai cherché à faire un peu de bien, même si les enfants m’irritaient souvent, ils parvenaient vraiment à m’énerver et j’étais souvent déçue de moi-même parce que je ne me trouvais plus bonne à rien, plus capable de rendre service. Je me suis demandée comment faisaient les sœurs de l’Hogar pour recommencer tous les jours et y mettre de l’amour chaque jour, sans que ça ne leur devienne un poids, même si quelques fois elles finissaient la journée très fatiguées… C’est leur foi, peut-être ?

Dans la faible mesure de mes moyens, j’ai cherché à aider ces petits de Bethléem, et je me suis rendue compte, en rentrant à la maison, que, pendant ce mois en Terre Sainte, j’ai vraiment reçu beaucoup plus que ce que j’ai réussi à donner. »