Nous vous racontons notre voyage en Syrie

Giacomo Pizzi29 avril 2016

En arrivant à Alep, après deux jours de visite à Damas, le grand beffroi de l’ église de Saint François se cachait presque derrière ce qui reste de palais séculaires majestueux. Et pourtant, ce qui a été preservé de devenir un amas de détritus est une structure imposante, solide, parmi les cinq églises restées debout dans la ville. La communauté paroissiale se retrouve aujourd’hui à protéger une trêve fragile et, de plus, déjà brisée.

“Ils ont recommencé à bombarder”, nous font-ils savoir. “Ils nous lancent des missiles”. A quelques mètres de la paroisse latine se dispute le combat le plus important de cette guerre longue et absurde : la bataille pour prendre Alep. Les  explosions nocturnes régulières nous le rappellent de façon continue, même si l’ ambiance en ces jours de Pâques respire une joie palpable et humainement “impossible”. “Shukran”, “merci”, répètent continuellement les paroissiens aidés par les frères franciscains au cours de ces cinq longues années de guerre.

C’est la reconnaissance pour ce petit rien que nous réussissons à faire en soutenant ces chrétiens “étrangers” vêtus de marron, mais c’est aussi la gratitude d’être là, avec eux, à partager cette joie qu’a apporté la fête de la Résurrection. Et encore : “Merci ! Merci du fond du cœur aux amis de l’Association pro Terra Sancta pour ce que vous avez fait et pour ce que vous ferez”. Le curé franciscain est un fleuve en crue à la fin de la veillée pascale. Dans son discours, qu’il prononce aussi en italien pour rassembler tout le monde, il remercie les bienfaiteurs et tous ceux qui ont aidé de quelque manière que ce soit la paroisse d’Alep en cet hiver froid et violent. “Avec les divers fonds récoltés, nous avons pu alléger les souffrances d’une saison qui a été terrible”.

Il a raison, père Firas Lutfi, lui aussi à Alep avec les 4 autres frères. Dans le couvent qui nous héberge, l’eau et l’électricité n’arrivent que quelques heures par jour. A partir de onze heures du soir, l’obscurité est totale. Personne ne se déplace dans les rues, Alep devient une ville fantôme. Quelques mètres nous séparent de la zone occupée par les rebelles. Et c’est parmi ces ruelles étroites du quartier d’Azizieh que les frères de la Custodie de Terre Sainte nous accompagnent pour nous montrer que même au milieu des ruines, il y a quelque chose qui commence à renaître.

“Grâce à toutes les contributions reçues, nous avons pu rénover quelques maisons pour ceux qui n’avaient plus de logement”. Parmi eux, il y a George, ingénieurIl a perdu sa maison trois fois, parce qu’il était à chaque fois trop proche de la ligne frontière qui se déplace avec les bombardements. Son lieu de travail a aussi été entièrement détruit. Mais il n’arrête pas de remercier. “Grâce à Dieu, je suis vivant, le Seigneur m’aime. Le Seigneur a épargné ma vie et je continue à prier pour lui”. “Une foi à en couper le souffle”, nous a confié père Samar quand il est allé le chercher après les bombardements qui lui avaient tout emporté.

Dans un 40 m2 pas très loin de la maison de George habite Alexander. Docteur, spécialisé en chirurgie et devenu veuf peu après le début de la guerre. Et l’année dernière, il a aussi perdu son fils Issa, tué par un mortier. “Jésus est mon unique espérance”. Il s’en est rendu compte dans la souffrance immense d’avoir perdu son seul fils et sa femme emportés par les seigneurs de la guerre. Mais au fur et à mesure, l’église paroissiale, ce lieu qu’il ne visitait d’habitude que le dimanche, est devenue sa maison. “Les frères ont été proches de moi comme personne d’autre. Quand je n’avais plus rien, ils m’ont donné à manger, ils m’ont accueilli. Grâce à eux, j’ai fait l’expérience de la présence et de l’amour du Seigneur. Et je ne veux plus l’abandonner”.

Au bout de la rue habitent Simon et Rula, mari et femme. Il y a un peu moins de deux ans, ils ont perdu deux enfants. La paroisse leur donne à eux aussi un coup de main pour reconstruire leur maison. “Un mortier est tombé sur le balcon sur lequel étaient en train de jouer nos deux fils, de 3 et 7 ans”. Le balcon a été détruit, les enfants ont été littéralement déchiquetés. Le jour des funérailles, Rula a hurlé tout son désespoir, elle voulait à tout prix ouvrir les petits cercueils pour donner un dernier baiser à ses enfants. Ou à ce qu’il en restait. Puis, au fil des mois, le miracle est arrivé. La compagnie des franciscains, la force d’essayer de pardonner, et – finalement – même la force d’accepter un autre fils, arrivé quelques mois après la tragédie.

Un enfant qu’ils ont décidé d’appeler Ange. “L’Ange que le Seigneur a décidé de nous envoyer du ciel – dit Rula en souriant – quand nous pensions avoir tout perdu”.

 Aidez vous aussi les franciscains en Syrie !