Jérusalem: archéologie et politique

Giacomo Pizzi5 octobre 2010
« Jérusalem appartient à tous : juifs, chrétiens, musulmans. Elle est surtout patrimoine universel de l’humanité, placé sous la protection de l’UNESCO. Pourquoi ne pas chercher à toujours parvenir à des décisions partagées ? » Ainsi s’exprimait le Père Michele Piccirillo, archéologue du Studium Biblicum Franciscanum disparu voici quelques années, à propos d’une thématique qui continue à être l’un des arguments les plus brûlants dans la capitale que se disputent les palestiniens et les israéliens – dans le Lieu Saint par excellence des trois grandes religions monothéistes : archéologie et politique. « Il suffit de regarder ce qui s’est passé au cours de ces dernières décennies mais aussi auparavant dans l’histoire des fouilles au sein de la Vieille Ville, pour comprendre qu’il n’est pas possible de jeter la politique par la fenêtre et de conserver seulement l’archéologie », déclarait l’expert incontesté. L’ouverture du tunnel du Mur des Lamentations d’abord puis de la porte Mughrabi.

Et aujourd’hui, c’est au tour de Silwan, un quartier de Jérusalem Est habité en majorité par des palestiniens, d’allumer les réflecteurs internationaux sur le conflit irrésolu entre chrétiens, juifs et musulmans au sein de la Vieille Ville et de reporter les fouilles, les interventions et les projets archéologiques au centre du débat de ce qui représente dans de nombreux cas, pour la population arabe, une urgence en termes de logements ainsi que l’indique le Père Eugenio Alliata, archéologue du Studium Biblicum Franciscanum. « Une nouvelle qui rebondit sur les pages des quotidiens est que, prochainement, à Jérusalem, malgré les pressions internationales, des centaines de personnes devront quitter le quartier arabe de Silwan pour faire place à un parc archéologique et touristique dit des Jardins royaux » déclare le professeur. Les habitants restants, nombre desquels risquent l’expulsion, devront compter avec les archéologues et avec les projets qui, depuis des décennies, entremêlent les fouilles et interventions de nature archéologique avec les intérêts politiques et religieux en ce qui est défini par Israël, pour reprendre des termes bibliques, comme « la zone archéologique de la Cité de David ». Selon le Père Alliata, les intérêts particuliers à la base de certaines initiatives de redécouverte de la Jérusalem antique seraient évidents. « Il est clair que l’archéologie, la politique et la Bible, la publicité et les financements se rencontrent et s’affrontent à Jérusalem avec comme toile de fond une situation déjà assez riche de tension en soi » déclare-t-il. Toujours selon l’archéologue et curateur du Musée franciscain du Studium Biblicum, on assisterait en ce moment à une collusion entre l’aspect scientifique et l’aspect politique « certainement non voulue et non inévitable », collusion qui serait démontrée « par l’accusation fréquente de privilégier découvertes et d’en négliger  ».

Et alors que des affrontements et des conflits prennent toujours plus de place dans les principaux titres de la presse internationale, l’intérêt démontré par cette dernière est bien mince en ce qui concerne un véritable problème qui touche l’ensemble de la communauté arabe à savoir l’augmentation de la population dans les quartiers situés à l’Est tels que la Vieille Ville de Jérusalem et la difficulté d’obtenir les permis pour agrandir les édifices existants ou en construire de nouveaux. Ces difficultés sont ressenties non seulement par les habitants de religion musulmane mais également par les quelques 6500 chrétiens qui résident dans les maisons surpeuplées du centre historique dont la densité va de 20 à 79 personnes pour 1.000 m2, des chiffres nettement supérieurs aux moyennes occidentales et qui créent d’importantes difficultés aux directs intéressés. Les franciscains de la Custodie de Terre Sainte, qui possèdent de nombreux édifices assignés aux familles chrétiennes les plus nécessiteuses en échange de loyers symboliques, ont, depuis quelques mois, commencé, avec le soutien de l’association ATS Pro Terra Sancta, des activités de récupération et de restauration des plus délabrées de ces habitations afin de garantir aux chrétiens de la Vieille Ville des standards de vie meilleurs, prévenant ainsi l’exode des familles arabes chrétiennes de Terre Sainte.